Rubresus Association de protection et sauvegarde de l’environnement des Basses Plaines de l’Aude

Enquête publique SMDA sur la sécurisation de la traversée de Coursan: pour Rubresus, c’est NON!

1 Contexte

La Basse Vallée de l’Aude est particulièrement exposée aux crues du fleuve et
suite aux inondations catastrophiques notamment de 1999 d’importants travaux
de protection ont été réalisés (recalibrage du déversoir à Sallèles d’Aude et mise
en transparence hydraulique du chenal d’évacuation des eaux vers l’étang de
Capestang, endiguement de Cuxac d’Aude et abords, …).
En aval, la ville de Coursan, 6000 habitants, traversée par le fleuve, reste
exposée avec ses secteurs urbains en zones inondables. La capacité d’évacuation
du fleuve dans la traversée de Coursan est d’environ 735 m 3 /s pour un niveau
maximal qui affleure la crête de la digue en rive gauche entre le chenal et le
pont RD 6009 et présente une revanche de 30 cm en rive droite au niveau du
muret. Les débits des crues pouvant atteindre 4000 m 3 /s, un ensemble de
dispositifs par déversoirs et de débordement naturel en amont entre
Moussoulens (Sallèles d’Aude) et Coursan permet de limiter le débit dans la
traversée de Coursan via les écoulements dans les basses plaines (rives gauche
et droite). A chaque crue de l’Aude, l’affleurement de l’eau proche du ras du
muret est scruté avec inquiétude.

2 Projet SMDA « sécurisation de la traversée de Coursan »

Le projet porté par le SMDA intitulé « Sécurisation de la traversée de Coursan » 2
vise à diminuer le niveau d’eau dans la traversée de Coursan de 23 à 28 cm
(aval/amont pont D 6009) par l’abaissement des seuils des déversoirs Prat du
Raïs (- 20 cm sur une longueur de 338 m) et Grand Vignes (- 30 cm sur une
longueur de 41 m) et l’ouverture supplémentaire de l’embouchure du chenal de
dérivation de 15 m (de 10 à 25 m).
Les travaux consistent en la déconstruction de la crête des deux déversoirs et la
réfection des seuils avec pose de dispositif de batardage et aménagement des
abords et accès. Au niveau du chenal, les travaux portent sur l’extraction de
terre fermant l’embouchure du chenal (bouchon), sur l’entonnement du chenal
avec aménagement des abords et réfection du dispositif de lisses anti-embâcles.
A l’exutoire du chenal dans le fleuve (La Carbone), le confortement des berges
est prévu afin de parer à l’augmentation de la vitesse du courant.
Le montant total des aménagements est estimé selon le dossier présenté à
l’enquête publique à 1,920 million € TTC (dont travaux pour 1,6 million € HT),
alors que l’action 6.14 inscrite au PAPI 3 acté en 2023 mentionnait un montant
de travaux de 1 million € HT.

3 Observations

3.1 Le chenal de dérivation

Le projet SMDA « Sécurisation de la traversée de Coursan » met en avant
l’ouverture du chenal de dérivation comme élément essentiel d’abaissement de
la ligne d’eau. Or, l’ouverture partielle du chenal de dérivation (25 m sur les 54
m) entraîne une augmentation du débit à l’aval de La Carbone et donc un sur-
risque de submersion du secteur en aval. Afin de compenser cet effet pervers
du chenal de dérivation en aval, l’abaissement des déversoirs sur les deux rives :
Prat du Raïs (20 cm sur 338 m) et Grand Vignes (30 cm sur 41 m) en amont du
chenal doit alors être associé à l’ouverture du chenal afin de réduire le débit
global en lit mineur à l’aval (La Carbone).

Le chenal de dérivation a été conçu en 1987 (il y a 37 ans) par l’AIBPA
(Association Interdépartementale des Basses Plaines de l’Aude) en vue
d’abaisser le niveau d’eau dans la traversée en évacuant l’eau (500 m 3 /s) vers
l’étang de Vendres sans rejoindre le lit mineur de l’Aude. Cependant, cet
aménagement n’a pu atteindre son objectif initial du fait de contraintes
ultérieures, notamment liées au contexte écologique. Finalement, le chenal de
dérivation construit à partir de 1990 a été raccordé au fleuve juste en aval de
Coursan (La Carbone). Sa mise en service tardive (2002) n’a été que très
partielle avec une ouverture de 10 m (sur 54 m) pour un débit très réduit (80
m 3 /s).
Les éléments d’étude de BRLi sur les perspectives d’usage du chenal de
dérivation selon divers scénarios montrent clairement que l’ouverture partielle
du chenal à 25 m constitue un maximum tout en nécessitant d’associer des
dispositions d’abaissement des déversoirs. Il paraît évident que le chenal de
dérivation dans sa configuration actuelle avec jonction juste en aval de Coursan
n’a à lui seul qu’une utilité très limitée dans la sécurisation de Coursan. Depuis
sa création en 1998, l’association RUBRESUS a suivi attentivement les
problématiques d’inondation dans la Basse Vallée et n’a pas manqué de souligner 3
le rôle limité du chenal de contournement de Coursan. Elle observe avec
satisfaction que son analyse d’alors est aujourd’hui validée par des experts. Il a
fallu beaucoup de temps pour que les instances en charge des risques
d’inondation dans la Basse Vallée de l’Aude statue sur le chenal. Depuis 1998,
l’Inspection Générale de l’Environnement préconisait l’ouverture du chenal. La
mise en service du chenal dans sa totalité a même été inscrite dans le PAPI 1
2006-2013 (action 5-3). Or, maintenant, le présent dossier d’enquête publique
clôt les débats sur le chenal en déclarant au détour des prises de positions
successives : « Toutefois, les études détaillées de conception de cet ouvrage
réalisées en 2013 ont montré que le montant des travaux et les impacts induits
sur le milieu naturel étaient rédhibitoires. » (page 10, pièce B du dossier
d’enquête publique).

Dans le contexte d’efficacité limitée reconnue du chenal dans sa configuration
actuelle, sa mise en avant comme dispositif principal de sécurisation devrait être
relativisée par le SMDA.

3.2 Effet de chacun des aménagements du projet SMDA

Le dossier d’enquête publique présente de nombreuses hypothèses,
modélisation et scénarios de solutions de protection dans la traversée de
Coursan, dont émane le projet SMDA retenu : ouverture partielle du chenal,
abaissement de deux déversoirs. Malgré les très nombreuses données
présentées très intéressantes, la part de chaque aménagement n’est pas
clairement exprimée.
La capacité actuelle du chenal ouvert à 10 m est de 80 m 3 /s et serait portée à
180 m 3 /s après ouverture à 25 m.
Le débit actuel du canal de Grand Vignes est de 40 m 3 /s. L’augmentation de sa
capacité par abaissement du déversoir de 30 cm sur une longueur de 41 m pose
question d’autant que ce canal se situe en centre-ville, que plusieurs quartiers
le longent et que de nouveaux secteurs urbanisés dans les parties les plus basses
et inondables de la ville sont prévus à proximité du canal. Il convient de rappeler
que la quasi-totalité des secteurs urbanisés de Coursan se situent en zones à
risque d’inondations classées en aléa fort (Ri1) et modéré (Ri2). Le maillage de
la basse plaine en rive droite par un réseau de canaux et fossés facilite
l’épandage des crues et donc l’augmentation de la submersion par l’abaissement
du déversoir Grand Vignes. Le dossier indique sommairement une augmentation
globale de 5 cm pour l’ensemble des basses plaines sans plus de précision sur
la topographie des divers secteurs urbanisés ou habités. Une étude plus précise
de la surexposition de ces zones à la submersion liée à l’abaissement du
déversoir de Grand Vignes serait bienvenue avant autorisation.
Pour l’abaissement du déversoir Prat du Raïs (-20 cm sur 338 m), le flux
correspondant gagnerait à être clairement présenté. Si les effets de
l’augmentation de la submersion ont été considérés pour les habitations
immédiates (3), les effets sur les autres habitats dispersés dans la plaine en rive
gauche ne sont pas clairement indiqués.
Les études de scénarios de submersion des basses plaines se réfèrent à des
crues provoquées par des évènements en amont de la Basse Vallée sans prendre
en compte la conjugaison avec le scénario probable d’une précipitation 4
centennale sur les basses plaines (310 mm en 24 h) qui augmenterait
sensiblement les flux et les niveaux de submersion tant à Coursan que dans les
plaines.

Les données présentées sur les flux en lits majeur et mineur lors des crues
montrent que près de 80% du flux arrivant en Basse Vallée s’écoule via les
déversoirs et débordements de berges en amont de Coursan.
Par exemple pour la crue de 1999, un débit de 4000 m 3 /s a été enregistré après
confluence avec la Cesse : 1395 m 3 /s ont été évacués par le déversoir du Canal
de jonction (Sallèles d’Aude), 870 m 3 /s via les 3 déversoirs en rive gauche (Horto
de Blazy, 1952 et Prat du Raïs) et 1125 m 3 /s en rive droite qui ne compte qu’un
seul petit déversoir (Grand Vignes) dont le débit était de 40 m 3 /s. Les
écoulements en rive droite se font en fait via des débordements des berges
naturelles de l’Aude entre Moussoulens et l’aval de Cuxac d’Aude sur un linéaire
de près de 4 km. Au final, le débit entrant dans Coursan a été de 735 m 3 /s en

  1. La capacité du déversoir Grand Vignes même après abaissement s’avère
    très modeste dans la gestion de crues. Du fait des épanchements d’eau massifs
    dans les basses plaines en amont de Coursan, le débit final entrant dans Coursan
    est compris entre 660 et 735 m 3 /s pour des crues de faible à très forte ampleur,
    ce qui fait que le niveau d’eau dans la traversée de Coursan est toujours très
    élevé quelle que soit la crue. Cela signifie que les digues et berges dans la
    traversée de Coursan constituent un dispositif indispensable et majeur de
    protection directe de la ville. 3.3 Stratégie de protection de la traversée de Coursan

Le dossier d’enquête présente deux stratégies de protection de la traversée de
Coursan :

  • Protection directe par aménagement / rehaussement des digues dans la
    traversée (alternative écartée par SMDA)
  • Sécurisation indirecte par abaissement de la ligne d’eau (-28 à -23 cm)
    par reconfiguration des déversoirs et ouverture partielle du chenal (projet
    retenu par SMDA).

Les études présentées dans le dossier d’enquête publique montrent que le
rehaussement des digues en rives gauche et droite amènerait une garde
(revanche) d’eau supplémentaire de 30 cm, sans impact hydraulique sur
l’écoulement actuel. La berge gauche de la traversée étant légèrement plus
basse que la rive droite présente des risques d’affleurement voire débordement.
La D 118 qui longe l’Aude en rive gauche jusqu’au pont RD 6009 puis le chemin
de la Peige en aval du pont font office de digue. Elle pourrait être relevée d’une
trentaine de cm, malgré quelques contraintes d’accès aux parcelles à résoudre.
En rive droite, la réhausse du muret ou sa réfection peut être envisagée. Après
estimation des coûts des travaux faisant état d’un montant supérieur à 2 millions
€, le SMDA jugeant ce coût prohibitif a rapidement écarté cette alternative.
Certes, les coûts sont des éléments de choix, mais pas seulement. Par exemple,
le SMDA vient d’inscrire au PAPI 3 l’opération d’aménagement du Rec de Veyret
pour un montant des travaux atteignant finalement plus de 35 millions €. Or ce
petit ruisseau de l’ouest narbonnais (14 km de long en amont de Narbonne) n’a jamais provoqué de catastrophe. La légitime sécurité des Coursannais face à la
menace d’aléa fort des crues du fleuve Aude, sans comparaison avec celle d’un
rec, aurait mérité d’être prise en compte sans des a priori financiers, somme
toute non rédhibitoires. La protection de la traversée de Coursan est l’un des
grands chantiers en Basse Vallée de l’Aude et les instances se doivent de
considérer les aménagements les plus protecteurs.

Le recalibrage de la traversée de Coursan mériterait d’être également mieux
considéré.
La figure 31 (page 10 Pièce B) montre une forte et brutale diminution de la ligne
d’eau niveau du pont D 6009, de plus de 50 cm. Le pont et son contexte
topographique semblent créer une forte perte de charge freinant le débit en
augmentant la ligne d’eau dans la traversée de Coursan. La question de la
désobstruction de la quatrième arche du pont a été évoquée dans le dossier. Le
recalibrage du lit (creusement léger) et remodelage de la berge rive gauche
depuis le pont SNCF, le profilage des piles du pont pourraient également
contribuer à améliorer sensiblement le débit et la baisse du niveau. En cumulant
ces aménagements simples, un abaissement de la ligne d’eau de 30 cm au
niveau du pont D 6009 ne semble pas impossible et renforcerait la sécurisation.
En rive droite, la réhausse du muret ainsi que la réfection de la digue semblent
des travaux nécessaires pour assurer la pérennité de la protection de Coursan.
Cette rive droite est particulièrement exposée à la vitesse du courant et à la
pression d’eau sur une grande hauteur. La réfection de l’ensemble des digues
rives droite et gauche s’avère un aménagement prioritaire pour la sécurité de
Coursan et il est dommage que le projet du SMDA ne la retienne pas.

La capacité limitée d’évacuation du lit mineur de l’Aude entre l’aval de Coursan
et la mer est le nœud du problème et reste un tabou idéologique que les
instances responsables se refusent à traiter. Le recalibrage de l’Aude jusqu’à la
mer reste la meilleure solution pour évacuer les crues et mieux protéger
Coursan. Dans combien de crues, de futurs PAPI (4, 5, 6, …), ce vrai sujet sera-
t-il enfin traité ?

4 Avis

Sans confortement de la protection des berges et digues dans la traversée de
Coursan, le projet minimaliste du SMDA de sécurisation par abaissement des
seuils de déversoirs qui va accentuer les inondations des Basses Plaines nous
semble un projet insuffisant. Après les aménagements nécessaires et importants
réalisés dans la Basse Vallée (Sallèles d’Aude, Cuxac d’Aude), nous espérions de
la part du SMDA et du SMMAR un plan ambitieux de protection de la ville de
Coursan. L’association RUBRESUS émet un avis défavorable au projet au rabais
du SMDA de sur-inondation des Basses Plaines qui n’apporte pas de protection
par confortement et rehaussement des digues dans la traversée de Coursan.

Coursan le 23 septembre 2024
Association RUBRESUS


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *